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La neutralité suisse à l’épreuve de la guerre en Ukraine

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En mars 2023, le journal zurichois NZZ am Sonntag révèle que la Suisse envisage de mettre au rebut 60 systèmes de défense sol-air déclarés inaptes au service fin 2022. Cette décision irrite les Occidentaux, qui estiment que ces missiles devraient être transférés au Royaume-Uni, leur fabriquant, afin d’être modernisés et envoyés en Ukraine. La Suisse justifie ce choix par sa volonté de ne pas participer à l’accroissement de la militarisation du conflit. Depuis le début de la guerre, Berne tente d’apporter un soutien à Kiev sans compromettre son statut historique de neutralité.

Une neutralité ancienne, reconnue à l’international

Gorbatchev et Reagan se rencontrent à Genève en 1985.
Gorbatchev et Reagan se rencontrent à Genève en 1985.

L’officialisation de la neutralité suisse remonte à plus de 200 ans. En 1815, les grandes puissances européennes signent le traité de paix de Paris à la suite de l’abdication de Napoléon. Les signataires de l’accord reconnaissent la neutralité de la Suisse et lui garantissent l’inviolabilité de son territoire. L’objectif est notamment de mettre en place une zone tampon entre la France et l’Autriche. Ce statut d’État neutre est confirmé lors de la deuxième Conférence de la Paix de La Haye en 1907. Les droits et les devoirs des États neutres codifiés à l’issue de cette convention sont toujours actuellement en vigueur.

La neutralité est un élément constitutif de la diplomatie suisse et un outil de rayonnement sur la scène internationale. La Suisse est perçue comme un pays stable, fiable et qui inspire confiance. Ainsi, au début des années 1960, la Suisse joue un rôle central dans les négociations entre les indépendantistes algériens du Front de libération nationale (FLN) et la France. Des rencontres secrètes se tiennent à Bâle en 1961 qui débouchent finalement sur la signature des accords dÉvian en 1962. En outre, la première rencontre entre Gorbatchev et Reagan a lieu à Genève en 1985. Ce sommet illustre le début du réchauffement des relations entre l’Union soviétique et les États-Unis et place la Suisse au centre de l’échiquier mondial.

Cependant, la neutralité suisse fait régulièrement l’objet de vives critiques. La passivité de Berne face à l’Allemagne nazie ou son soutien au régime d’apartheid en Afrique du Sud sont notamment visés.

Un changement de posture avec la guerre en Ukraine

Le 28 février 2022 marque un tournant dans l’histoire de la neutralité suisse. Quatre jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le Conseil fédéral suisse annonce qu’il reprend l’intégralité des sanctions de l’Union européenne contre Moscou. Entre 2014 et 2022, Berne s’abstient pourtant d’adopter des sanctions contre la Russie, malgré l’annexion de la Crimée et la pression des Occidentaux.

Le changement de position de Berne s’explique par sa volonté de ne pas écorner son image en paraissant complaisante avec l’agresseur. Au-delà des sanctions économiques, la Suisse affiche régulièrement son soutien à l’Ukraine. Berne vote en faveur de la condamnation de l’agression russe à l’Organisation des Nations unies (ONU). Au cours de ces derniers mois, le président du Conseil fédéral suisse rencontre à plusieurs reprises Volodymyr Zelensky. Aucune rencontre avec Vladimir Poutine n’a lieu depuis le début de la guerre. L’attitude de Berne pousse même la Russie à placer la Suisse sur la liste des pays hostiles.

La question de la neutralité fait également débat au sein de la population suisse. Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreuses manifestations ont lieu en soutien à l’Ukraine. Une part croissante de la population souhaite notamment que Berne se rapproche davantage de l’OTAN. Cependant, il convient de noter que l’immense majorité de la population demeure très attachée à la neutralité du pays. Selon une étude de l’École polytechnique fédérale de Zurich, 91 % des Suisses y sont favorables.

La neutralité suisse critiquée par les Occidentaux

Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères
Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères.

Les Occidentaux se réjouissent du soutien de la Suisse à l’Ukraine mais estiment qu’il est insuffisant. En effet, Berne refuse que les pays européens livrent le matériel militaire suisse à Kiev. Cette décision, réitérée, provoque l’ire des Occidentaux. Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères, fustige ainsi la neutralité de Berne lors de la conférence sur la sécurité à Munich en février 2023. La Suisse justifie sa position par son statut d’État neutre régi par la convention de La Haye. En effet, une de ses dispositions dispose qu’un État neutre a interdiction de soutenir militairement un des belligérants d’un conflit interétatique. La prise de sanctions économiques, l’accueil de réfugiés ou encore l’aide humanitaire ne constituent néanmoins pas des violations des droits de l’État neutre.

La guerre en Ukraine pousse de nombreux pays à faire évoluer leur politique de défense. La Suède et la Finlande, deux pays traditionnellement neutres, demandent notamment à rejoindre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dès mai 2022. Néanmoins, la Suisse demeure réticente à intégrer l’alliance transatlantique. Berne considère qu’elle serait contraire à son statut d’État neutre. En cause, l’article 5 du traité fondateur de l’alliance. Ce dernier notifie qu’une attaque contre un pays membre est considérée comme une attaque contre l’ensemble des alliés. Berne craint que cette disposition la contraigne à entrer en guerre.

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Yann MARCILLON

est diplômé de l'IRIS Sup' du parcours "Géopolitique et prospective" ainsi que de Grenoble Ecole de Management

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